Les Martyrs de Verdun

Hiver 1939, mon grand-p re repose son journal sur la table basse qui nous s pare, son visage refl te une sorte de lassitude et de col re contenue, que je ne lui connais pas. Lorsque je lui en demande la raison, il explose; ses joues s'empourprent et ses mains se mettent trembler. - Ils sont devenus fous Tout recommence Ils n'ont pas t capables de tirer les enseignements du conflit pr c dent. On avait dit "plus jamais a", mais ils refont les m mes erreurs. Je ne pensais pas devoir revivre a. Si j'avais su, je me serais laisser crever Verdun Lui, habituellement si calme et mesur , est rouge de col re. Il crie presque, laissant clater sa rage et sa haine l'encontre des politiciens qui nous gouvernent. - Tu te trouvais Verdun ? Tu ne m'en a jamais rien dit. Il plante ses yeux dans les miens, semblant fouiller mon cerveau. Son regard se fait plus intense et p n trant, empli de gravit . - Oui, j'y tais, mais je ne l'ai jamais racont qui que ce soit. Personne ne m'aurait compris, ni m me cru. Je vais te relater ce que j'ai v cu l -bas, mais ce sera la premi re et la derni re fois. Ne m'interromps pas Son regard se perd dans le vide, il voit travers moi, au loin vers la Meuse, il y a vingt-trois ans... La r alit a-t-elle t si terrible qu'on le dit ? Ce r cit est bas , notamment, sur des t moignages de poilus, et des courriers (pass s travers le filtre de la censure); ceux des hommes qui ont combattu Verdun, sur la Somme, au Chemin des Dames ou ailleurs...